mercredi 26 août 2009

L'enfer

Source http://www.outre-vie.com/paradis/enfer.htm

Les enfers qui, aujourd'hui ne sont plus que des symboles a représenté pendant des millénaires un élément de l'existence humaine, aussi présent que doué de réalité.

L'enfer, lieu de supplice pour les damnés, aurait été créé à l'origine pour les démons. Il constitue un séjour définitif (cf. le Synode de Constantinople de 543). « Vous qui entrez ici, perdez tout espoir », écrira même Dante sur son porche d'entrée. Il n'y aura pas d'amnistie.
Les fresques peignent l'enfer sous les jours les plus terrifiants : fournaises, fers chauffés à blanc, abîmes pestilentiels, roues armées de dents acérées, matelas de charbons ardents, légions de démons cornus et fourchus... Mais tous les théologiens s'accordent à reconnaître, derrière saint Paul, que la première souffrance encourue y sera le « dam », c'est-à-dire la privation de Dieu. La pensée chrétienne moderne analyse plutôt les flammes comme des tortures psychiques engendrées par l'âme révoltée (peur, remords, rébellion contre Dieu), et qui se trouveraient naturellement éteintes si l'âme consentait d'elle-même à se tourner vers l'amour divin.

L’enfer n’est pas une spécificité de la religion chrétienne. Toutes les cultures ont conçu une vie dans l’au-delà, au départ comme un prolongement de la vie terrestre. Puis apparaît le thème du jugement des actes du vivant et de la " pesée de l’âme " conduisant à une répartition entre élus et damnés. Un espace spécifique est alors affecté à ces derniers, condamnés en raison de leurs fautes à des souffrances et supplices éternels.

Chez les bouddhistes,

l'enfer s'attache à punir l'aspect psychologique des fautes humaines. Les pécheurs expieront leurs péchés en éprouvant tantôt le froid le plus intense, tantôt la chaleur la plus épouvantable, dans leur traversée des neuf enfers du feu et des neuf enfers du froid. Le juge des morts pèse les bonnes et les mauvaises actions dans sa balance de la justice, avant de livrer les âmes coupables aux bourreaux infernaux.

Le royaume d'Hadès

Le monde des Enfers, qui apparaît fréquemment dans la mythologie grecque, était régi par le dieu Hadès (nom qui désigne également les Enfers). Frère de Zeus et de Poséidon, Hadès était habituellement exclu de la liste des Olympiens parce que son royaume était l'opposé de l'Olympe céleste. C'est aux Enfers que les âmes des hommes étaient Jugées après la mort et, le cas échéant, punies dans les sombres régions infernales de l'Érèbe et du Tartare. Cependant les Enfers englobaient aussi les champs Élysées ou îles des Bienheureux, où séjournaient les âmes vertueuses. Chez Homère, l'Hadès est situé dans une région privée de soleil, au-delà du grand fleuve Océan qui entoure la Terre. Quand les Grecs découvrirent de nouvelles parties du monde, une autre tradition localisa les Enfers au centre de la Terre : ils étaient reliés au monde des vivants par des cavernes insondables et des rivières souterraines comme l'Achéron (fleuve de l'affliction), l'un des cinq fleuves des Enfers, qui coulait dans le nord de la Grèce. Les quatre autres étaient le Styx (fleuve de la haine) qui entourait les Enfers, le Léthé (fleuve de l'oubli), le Cocyte (fleuve des gémissements) et le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon (fleuve de feu). Charon, le nocher des Enfers, faisait traverser aux âmes des morts le Styx et, dans certaines légendes, les autres fleuves.

L'enfer est décrit par le Coran

suivant les représentations populaires classiques, dominées par le feu, la poix brûlante et le soufre fondu. Le « Paradis de Mahomet » exprime à l'inverse le paroxysme des joies terrestres - sources, banquets, jeunes filles radieuses - , sous forme de ce que la civilisation arabe du VIIe siècle a produit de plus merveilleux dans ses palais et ses jardins (le mot Janna, « jardin », est employé 66 fois dans le Coran). Mais la plupart des théologiens modernes et l'Islam d'inspiration mystique tel le Soufisme y lisent avant tout une métaphore des joies spirituelles dont la plus élevée est la vision de Dieu. Le Monde Ultime dans l'au-delà musulman commence aussitôt après le Jugement, quand l'état définitivement assigné au défunt ne connaîtra plus ni limite ni limitation.

Civilisations antiques


Dans de nombreuses civilisations antiques, le monde de l'après-mort est un séjour d'où l'on ne revient réservé aux morts pourvus d'une sépulture, les autres étant voués à hanter misérablement leurs anciens lieux de vie. La coutume, fort répandue, de pourvoir les tombes - au moins celles des puissants - d'un mobilier funéraire et de provisions indique que les morts y poursuivent une existence plus ou moins semblable à celle qu'ils ont menée sur Terre. Mais il s'agit d'une vie morne, exsangue, poussiéreuse, sans autre perspective qu'un enfoncement progressif dans l'oubli et le néant. Relèvent, par exemple, de cette catégorie l'Arallou des Assyro-Babyloniens, l'Hadès homérique, les Sources jaunes des Chinois et, à certaines nuances près, le Shéol de l'Ancien Testament.

Quant aux habitants de ces « enfers », ils ne sont pas des âmes mais des spectres ou des ombres, décalques affaiblis des vivants qu'ils ont été.C'est là que démons, ou dieux déchus, tourmentent la foule des damnés.
Chez les grecs ce sont les Titans vaincu par Zeus, qui furent précipité dans le Tartare.

Comme le décrit HÉSIODE :

Les titans souterrains étaient enveloppés d'un souffle de feu ; une flamme immense montait dans l'air divin et, malgré leur endurance, ils sentaient leurs yeux aveuglés pas la fulgurante clarté de la foudre et de l'éclair. Un chaleur prodigieuse ardente envahissait les espaces. Autour de ce lieu s'étend une barrière d'airain ; la nuit entoure d'un triple cercle son orifice étroit ; au-dessus prennent naissance les racines de la terre et de la mer stérile. Là les Titans divins son cachés dans les ténèbres brumeuses, par la volonté de Zeus, l'assembleur de nuages. Pour eux, point de sortir possible : Poséïdon a fermé des portes d'airain sur ce lieu et un rempart l'encercle de tous côtés.

Déjà dans un texte qui remonte à deux mille ans avant notre ère, l'épopée babylonienne de la Création évoque la lutte grandiose et monstrueuse de Tiamat, déesse de la mer, et de ses alliés contre Marduk, dieu suprême comme Zeus, et c'est la même issu qui clôt le combat : Marduk les enchaîna et brisa leurs armes. Ils furent jetés dans des filets, restèrent dans des nasses, furent mis dans des cavernes : ils étaient pleins de lamentations. Ils subirent leur châtiment et furent retenus dans des geôles.

Chez les Babyloniens

L'enfer est une étrange ville souterraine, l'arallû, « que défendent sept murailles et sept portes ». Les damnés eux-mêmes formaient des troupes de démons acharnés à tourmenter leurs compagnons de malheur : Les démons occasionnels, les edimmu, sont les mal satisfaits de l'au-delà ; ce sont les esprits de tous ceux qui n'ont pas eu un minimum de bonheur dans l'existence ou qui l'ayant atteint, en on été prématurément privés. Ce sont les esprits des filles nubiles mortes vierges, des prostitués mortes de maladie, des femmes mortes en couches ou alors qu'elles allaitaient encore, des péris en mer ou par noyade quelconque, des accidentés (l'homme qui a chu d'un palmier). Enfin ceux qui sont morts sans enfants n'auront laissé personne pour assurer leurs offrandes funéraires, ceux qui sont morts sans avoir reçu de sépulture, feront partie de la cohorte revendicatrice.

On entrevoit ici quelque chose de cette intuition profonde selon laquelle les tourments des damnés sont l'oeuvre des damnés eux-mêmes.

Revenir des enfers

Dans la Divine Comédie, la visite de Dante guidé par Virgile dans un enfer rigoureusement structuré met fin à une longue tradition de descentes aux Enfers amorcée au deuxième millénaire avant notre ère, dans le mythe mésopotamien de Gylgamesh où Enkikou raconte sa descente aux enfers.

Thésée, Orphée, Achille, Ulysse, reviendront eux aussi des enfers pour mieux édifier les vivants par leurs descriptions. Ainsi, dans l’Enéide de Virgile, livre V, Enée visite les enfers : " Dans le vestibule même, à l’entrée des gorges de l’Orcus, le Deuil et le Remords vengeur ont fait leur lit ; là habitent les pâles Maladies, et la triste Vieillesse, et la Crainte, et la Faim mauvaise conseillère, et la hideuse Pauvreté, formes terrible à voir, et la Mort, et la souffrance ; puis le Sommeil, frère de la mort, et les Joies mauvaises de l’esprit, et, sur le seuil en face, la Guerre meurtrière, et les chambres de fer des Euménides, et la Discorde insensé avec sa chevelure de vipères nouée de bandelettes sanglantes.

L'enfer égyptien

est un monde infiniment plus grandiose. La morale qui préside au jugement des morts est d'une sublime pureté, et la géographie du domaine maudit est d'un effrayante richesse. C'est un région immense, coupée de murailles et de portes fortifiées, jonchée de marais boueux et de lacs de feu autour de chambres mystérieuses.L'une des grandes préoccupations des Égyptiens était de connaître à l'avance le chemin qu'il fallait suivre pour ne pas s'égarer dans les labyrinthes de l'au-delà et les mots justes qu'il fallait répondre lors des épreuves imposées aux morts. C'est ainsi qu'on trouve sur certains sarcophages hermopolitains, une véritable carte accompagnée de textes assez confus, et sur laquelle on voit un fleuve coulant d'un bout à l'autre du pays infernal ; sur l'une des berges se déroule un chemin, sur l'autre un canal, les deux seules voies utilisables par les défunts ; toutes les deux sont irrégulières, coupées de tournants brusques, de portes de feu où veillent des gardiens féroces, le tout grouillant de serpents, de monstres prêts à anéantir les âmes indignes. Mais l'épreuve la plus grave était, à coup sûr, le jugement du mort par les quarante-deux juges des enfers, par devant Osiris, Thot, Horus et Anubis. Les morts qui échouaient à cet examen, n'avaient point accès au royaume d'Osiris, c'était pour eux un grand malheur, car ils gisaient rongés par la faim et la soif dans leur tombe et ne voyaient le soleil ni du jour ni de la nuit. Dans se monde dépouvante, les morts sont réduits à manger leurs propres excréments, ils sont livrés à des bourreaux et à des serpents monstrueux tels qu'Apop et Sati.

L’enfer chrétien

L’enfer chrétien est peuplé de démons, comme dans le concept assyrien, avec la notion de punition éternelle pour les pécheurs, mais avec une notation plus ou moins consciente de vouer haineusement l’ennemi, le pécheur, le païen, au malheur dans l’Au-delà : le feu éternel n’est pas la destruction mais un supplice permanent !

Vision de l'enfer (Sainte Thérèse d'Avila)

... L'entrée me parut semblable à une ruelle très longue et très étroite, ou encore à un four extrêmement bas, obscur et resserré. Le fond était comme une eau fangeuse, très sales, infecte et remplie de reptiles venimeux. A l'extrémité se trouvait une cavité creusée dans une muraille en forme d'alcôve où je me vis placer très à l'étroit. Tout cela était délicieux à la vue, en comparaison de ce que je sentis alors ; car je suis loin d'en avoir fait une description suffisante. Quant à la souffrance que j'endurai dans ce réduit, il me semble impossible d'en donner la moindre idée ; on ne saurait jamais la comprendre. Je sentis dans mon âme un feu dont je suis impuissante à décrire la nature, tandis que mon corps passait par des tourments intolérables. J'avais cependant enduré dans ma vie des souffrances bien cruelles ; et, de l'aveu des médecins, ce sont les plus grandes dont on puisse être affligés ici-bas, car tous mes nerfs s'étaient contractés quand je fus percluse de mes membres. J'avais eu aussi à supporter toutes sortes d'autres maux dont quelques-uns, je l'ai dit, venaient du démon. Mais tout cela n'est rien en comparaison de ce que je souffris dans ce cachot. De plus, je voyais que ce tourment devait être sans fin et sans relâche. Et cependant toutes ces souffrances ne sont rien encore auprès de l'agonie de l'âme. Elle éprouve une oppression, une angoisse, une affliction si sensible, une peine si désespérée et si profonde, que je ne saurais l'exprimer. Si je dis que l'on vous arrache continuellement l'âme, c'est peu, car, dans ce cas, c'est un autre qui semble vous ôter la vie. Mais ici, c'est l'âme elle-même qui se met en pièces. Je ne saurais, je l'avoue, donner une idée de ce feu intérieur et de ce désespoir qui s'ajoutent à des tourments et à des douleurs si terribles. Je ne voyais pas qui me les faisait endurer, mais je me sentais, ce semble, brûler et hacher en morceaux. Je le répète, ce qu'il y a de plus affreux, c'est ce feu intérieur et ce désespoir de l'âme.
Dans ce lieu si infect d'où le moindre espoir de consolation est à jamais banni, il est impossible de s'asseoir ou de se coucher ; l'espace manque ; j'y étais enfermée comme dans un trou pratiqué dans la muraille ; les parois elles-mêmes, objet d'horreur pour la vue, vous accablent de tout leur poids ; là tout vous étouffe ; il n'y a point de lumière, mais les ténèbres les plus épaisses. Et cependant, chose que je ne saurais comprendre, malgré ce manque de lumière, on aperçoit tout ce qui peut-être un tourment pour la vue. ~ Il m'a donné depuis, une vision de choses épouvantables et de châtiments infligés à certains vices ; ces tortures me paraissaient beaucoup plus horrible à la vue. Mais, comme je n'en souffrais pas la peine, j'en fus moins effrayée. Dans la vision précédente, au contraire, le Seigneur m'avait fait éprouver véritablement en esprit ces tourments et ces angoisses, comme si mon corps les avait endurés. Je ne sais comment cela se fit, mais je compris bien que c'était une grande grâce et que le Seigneur voulait me faire voir de mes propres yeux l'abîme d'où sa miséricorde m'avait délivrée. Entendre parler de l'enfer ce n'est rien. ~ Aussi, je fus épouvantée. ~ Aussi, chaque fois que je me rappelle ce souvenir au milieu de mes travaux et de mes peines, toutes les souffrances d'ici-bas ne sont plus rien à mes yeux ; il me semble même que, sous un certain rapport, nous nous plaignons sans motif.
Depuis lors, je le répète, tout me paraît facile en comparaison d'un seul instant de ces tortures que j'endurais alors. Je m'étonne même qu'après avoir lu souvent des livres où l'on donne quelque aperçu des peines de l'enfer, je ne les aie point redoutées comme elles le méritent et ne m'en soit pas fait une idée exacte. Où étais-je donc ?
Comment pouvais-je trouver quelque repos dans ce qui m'entraînait à un si terrible séjour ? O mon Dieu, soyez à jamais béni !
Cette vision m'a procuré, en outre, une douleur immense de la perte de tant d'âmes et en particulier de ces luthériens qui étaient déjà par le baptême membres de l'Église. Elle m'a procuré aussi les désirs les plus ardents d'être utile aux âmes. Il me semble en vérité que, pour en délivrer une seule de si horribles tourments, je souffrirais très volontiers mille fois la mort. Voici en effet ce que je pense. Quand nous voyons quelqu'un et surtout une personne amie au milieu de grandes épreuves et de grandes douleurs, il semble que nous sommes naturellement touchés de compassion ; et si ses souffrances sont intenses, nous les ressentons très vivement. Mais la vue d'une âme condamnée pour l'éternité au supplice des supplices, Qui donc pourrait la souffrir ? Il n'y a pas de coeur qui n'en serait brisé de douleur. Nous sommes émus de la plus tendre compassion pour les maux d'ici-bas, et cependant nous savons qu'ils ont un terme et finissent avec la vie. Ne le serions-nous pas d'avantage pour des supplices qui doivent durer toujours ? Je ne sais comment nous pouvons vivre en repos quand nous voyons tant d'âmes que le démon entraîne avec lui en enfer ...

Vision de l'enfer (Fioretti de Saint François d'Assise)

DE TROIS LARRONS CONVERTIS PAR SAINT FRANÇOIS, ET A L'UN DESQUELS ONT ÉTÉ RÉVÉLÉES LES PEINES DE L'ENFER (FIORETTI)

Après la mort de ces deux compagnons, l'autre ayant donc continué une telle pénitence pendant plusieurs années, voici qu'une nuit il lui vint après Matines une si grande envie de dormir qu'il ne pouvait en aucune façon résister au sommeil et veiller comme d'habitude. Finalement, ne pouvant ni résister au sommeil ni prier, il se jeta sur son lit pour dormir ; et aussitôt qu'il y eut posé la tête, il fut ravi et mené en esprit sur une très haute montagne où il y avait un abîme très profond, et çà et là des rochers brises et escarpés d'où jaillissaient des aiguilles de diverses hauteurs, en sorte que l'aspect de cet abîme était effroyable à regarder. Et l'ange qui conduisait ce frère le poussa violemment et le jeta dans cet abîme ; et lui, bondissant et se heurtant d'aiguille en aiguille et de rocher, il arriva enfin au fond de cet abîme, tout rompu et brisé lui semblait-il. Et comme il gisait à terre en si misérable état, celui qui le conduisait dit : « Lève-toi, car il te faut faire encore un grand voyage. » Le frère répond: « Tu me parais un homme très déraisonnable et cruel, toi qui me voit mourant de cette chute qui m'a brisé, et qui me dis : "Lève-toi." » Et l'ange s'approche de lui et, en le touchant, lui remet parfaitement tous ses membres et le guérit. Puis il lui montre une grande plaine remplie de pierres aiguës et tranchantes, d'épines et de ronces, et lui dit qu'il lui faut passer pieds nus par toute cette plaine jusqu'à ce qu'il arrive au bout, où il voyait une fournaise ardente dans laquelle il lui fallait entrer.
Le frère ayant traversé toute cette plaine avec grandes angoisses et souffrances, l'ange lui dit : « Entre dans cette fournaise, car il faut que tu le fasses. » L'autre répond : « Hélas, combien tu es un guide cruel, toi qui me vois presque mort pour avoir traversé cette plaine terrifiante, et qui maintenant pour tout repos m'ordonnes d'entrer dans cette fournaise ardente. » Et comme il regardait, il vit autour de la fournaise beaucoup de démons ayant en mains des fourches de fer avec lesquelles, comme il hésitait à entrer, ils le poussèrent brusquement dedans.
Entré qu'il fut dans la fournaise, il regarde et y voit un homme qui avait été son compère, et qui brûlait tout entier. Et il lui demande : « O compère infortuné, comment es-tu venu ici ? » Et il répond : « Va un peu plus avant et tu trouveras ma femme, ta commère, qui te dira la cause de notre damnation. » Le frère étant allé plus outre, voici que lui apparut ladite commère toute embrasée, enfermée dans une mesure à grains toute de feu ; et il lui demande « O commère infortunée et misérable, pourquoi es-tu venue en un si cruel tourment ? » Elle lui répond : «Parce qu'au temps de la grande famine que saint François a prédite autrefois, mon mari et moi nous avons fraudé sur le grain et le blé que nous vendions dans une mesure, et pour cela je brûle resserrée dans cette mesure. »
Ces paroles dites, l'ange qui conduisait ce frère le poussa hors de la fournaise et lui dit: « Prépare-toi à faire un horrible voyage que tu as à accomplir. » Et celui-ci disait en gémissant : « O très dur conducteur, qui n'as de moi aucune pitié, tu vois que je suis presque tout brûlé dans cette fournaise, et tu veux me mener encore dans un voyage périlleux et horrible. » Et alors l'ange le toucha et le rendit sain et fort.
Puis il le conduisit à un pont que l'on ne pouvait passer sans grand danger, parce qu'il était très mince et étroit et très glissant sans parapets sur les côtés ; et dessous passait un fleuve terrible, plein de serpents, de dragons et de scorpions, et qui répandait une très grande puanteur. Et l'ange lui dit : « Passe ce pont, car il te faut absolument le passer. » L'autre répond : « Dans ce fleuve dangereux ? » L'ange dit : «Viens après moi et pose ton pied où tu verras que je poserai le mien, et ainsi tu passeras sans encombre. » Ce frère passe derrière l'ange comme il le lui avait enseigné jusqu'à ce qu'il arrive au milieu du pont ; mais comme il était en ce milieu, l'ange s'envola et, le quittant, s'en alla sur une très haute montagne fort au-delà du pont. L'autre examina bien le lieu où l'ange s'était envolé ; mais restant sans guide et regardant en bas, il voyait ces terribles bêtes se tenir la tête hors de l'eau, la gueule ouverte, prêtes à le dévorer s'il tombait ; et il était plongé dans une telle terreur qu'il ne savait en aucune façon ni que faire ni que dire, car il ne pouvait ni revenir en arrière ni aller en avant.
Voyant donc qu'il était en une telle tribulation et qu'il n'avait d'autre refuge que Dieu seul, il se baissa, embrassa le pont et de tout son coeur, en pleurant, il se recommanda à Dieu afin que par sa très sainte miséricorde il daignât le secourir. Sa prière faite, il lui parut qu'il commençait à lui pousser des ailes ; il en eut une très grande joie et attendit qu'elles fussent assez grandes pour lui permettre de voler au-delà du pont, là où l'ange s'était envolé. Mais après quelque temps, à cause du très grand désir qu'il avait de traverser ce pont, il se mit à voler ; et parce que ses ailes n'avaient pas encore poussé, il tomba sur le pont et ses plumes tombèrent : par suite, il embrassa de nouveau le pont et comme la première fois il se recommanda à Dieu. Sa prière faite, il lui parut encore qu'il lui poussait des ailes ; mais comme la première fois il n'attendit pas qu'elles eussent parfaitement grandi ; il se mit donc à voler trop tôt, et il retomba de nouveau sur le pont et ses plumes tombèrent ; c'est pourquoi, voyant que par la hâte qu'il avait de voler trop tôt il tombait ainsi, il commença à se dire en lui-même : « Certainement, s'il me pousse des ailes une troisième fois, j'attendrai qu'elles soient assez grandes pour que je puisse voler sans retomber. » Comme il était dans ces pensées, il voit pour la troisième fois qu'il lui pousse des ailes ; et il lui semblait que durant la première, la seconde et la troisième venue de ses ailes, il avait bien attendu cent cinquante ans ou même plus. A la fin, il se lève pour la troisième fois et prend son envol de tout son effort; et il s'envola en haut jusqu'au lieu où l'ange s'était lui-même envolé.

3 commentaires:

esperanza a dit…

L'enfer n'existe pas...
Tout le monde va au "paradis", mais il y a d'abord comme une petite mise au point pour comprendre pourquoi on a fait tel chose, pourquoi on a fait ci, on a fait ça, etc...
Certaines personnes comprendront plus vite que d'autre, mais tout le monde sera bien là haut... pas d'enfer...

Anonyme a dit…

j'ai compris par experience que l'enfer est une materialisation de ses propres peurs, angoisses, nos demons interieurs ... si on regle tous cela, si on le sais ... pas d'enfer :-) il n'existe pas effectivement

Le blog de Poussou a dit…

Cette notion que nous nous faisons de l'enfer, ne réside-t-elle pas dans une recherche inconsciente de justice supérieure à celle qui nous est présentée comme telle sur terre par des juges essentiellement imparfaits en tant qu'êtres humains?
Il est difficilement imaginable que des êtres qui ont passé leur vie à contribuer activement à la souffrance des autres et que des bienfaiteurs qui ont consacré leur vie au bonheur de leur prochain soient accueillis dans l'au-delà de manière uniforme.
Compte tenu de la différence énorme de qualité de vie sur terre selon que l'on réside dans un pays riche ou non, en guerre ou en paix, ne peut-on supposer que l'enfer existe déjà sur terre pour certains d'entre nous et qu'il n'est pas indispensable de mourir pour le subir?
Notons quand même la contradiction flagrante entre les divers exposés de l'enfer dans l'au-delà, souffrances "physiques"(!), animaux féroces,etc et le caractère éternel de la "capacité" de subir ces souffrances "physiques"!
Peut-on supposer que la réincarnation, permettant à un être damné de se "racheter", constitue une solution permettant à chacun d'entre nous d'échapper à cet enfer tel que sinistrement décrit dans les textes anciens?
Cette hypothèse me fait penser avec terreur que dans une vie antérieure j'ai peut-être été une "franche ordure"!!
Rappelons aussi les témoignages de personnes ayant vécu une EMI selon lequels certaines âmes tournent désespérément comme des "âmes en peine" selon l'expression populaire...

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