La nostalgie du paradis perdu est universelle. Le jardin paradisiaque exprime la nostalgie de l'innocence perdue,
d'un monde libéré de la souillure du mal.
Le jardin des délices
Le mot paradis, d'origine perse, repris en hébreu (pardès) et en grec (paradeisos), signifie verger entouré de murs et correspond au jardin décrit dans la Genèse. Adam et Eve auraient vécu quelques jours dans le pays d'Eden au sein du "jardin des délices" source de quatre fleuves nommés Pishôn et Gihôn (longtemps pris pour le Gange et le Nil), Tigre et Euphrate. Ce verger toujours verdoyant sous un éternel printemps, agité d'une douce brise et bruissant de chants d'oiseaux, abondait en fleurs et fruits multicolores et parfumés; là vivaient des animaux pacifiques et se trouvaient à profusion or et pierres précieuses. Un mur le séparait du reste du monde (mur de feu ou "mur" d'eau) et ce jardin-clos était devenu au Moyen Age un symbole de virginité et de vie monastique ou d'idéale insularité.
Les paradis
Le paysage paradisiaque varie parfois beaucoup d'une culture à l'autre.
Le paradis Japonais, Amer, se situe au-dessus de la Terre, irrigué par le fleuve paisible qu'est la Voie lactée, et ressemble beaucoup à une vaste terre.
Pour les Vikings, les guerriers morts au combat, après avoir festoyé parmi les dieux sous les plafonds d'or du Walhalla (ou Val-Hall), quitteraient la salle étincelante pour aller mener derrière Odin leur dernier combat, la bataille du Ragnarok.
Certaines traditions situent le paradis des âmes sur le même plan que la Terre. Un mythe slave mentionne un pays de délices sis vers l'Orient, par delà le lever du soleil, tandis que les îles celtes des bienheureux se trouvaient à l'ouest. Ces paradis ne peuvent généralement être atteints qu'après une traversée périlleuse.
Les religions de l'antiquité et les religions révélées actuelles ont élaboré diverses formes de paradis. Mais ce qui leur est commun à toutes, c'est l'espoir en la vie éternelle des âmes bienheureuses, face aux dieux immortels. En Egypte, les troupeaux de bœufs célestes traversaient les champs éternels où tout existait en surabondance. Les Égyptiens espéraient revivre dans le Champ des roseaux, vision idéalisée de l'Egypte qu'ils connaissaient. Cette croyance se trouvait renforcée par la réapparition quotidienne du soleil, Rê.
Les mondes célestes chrétiens sont des domaines où tous aspirent à l'union éternelle avec les anges devant le trône de Dieu. Ces mondes s'élevaient par degrés jusqu'à la béatitude suprême de la pure lumière. Quant au bouddhisme, il décrit avec magnificence les «paradis occidentaux» où les fidèles jouissent de la vie éternelle et d'une lumière infinie.
L'au-delà chrétien?
Pour les chrétiens l'aspiration au salut éternel se concrétise dans la vision de la Jérusalem céleste "ayant la clarté de Dieu" et "ne manquant ni de Soleil ni de Lune". A la fin des temps, le livre de l'Apocalypse laisse espérer la descente de la Jérusalem céleste sur Terre. Comme la Bible ne dit pas que le jardin d'Eden a disparu, sa localisation terrestre a longuement été recherchée depuis l'Antiquité par les exégètes, les cosmographes et les voyageurs.
Quel avenir attend le défunt dans l'au-delà chrétien? L'imagerie populaire se figure le paradis comme un royaume des cieux au seuil duquel se tient saint Pierre, le gardien de l'Éternel. Il détient les clefs de la cité céleste, et n'en ouvre les portes que si l'on décline son nom, et ses qualités. Il est redoutable, mais lent à s'émouvoir, comme toujours les vieux portiers. De là, ces mille ruses colportées par le génie populaire pour tenter de soudoyer le vénérable vieillard, ou de le tromper à son nez et à sa barbe...
Cette vision de concierge d'un Cerbère chrétien démocratise quelque peu la vision théologienne. Le paradis des évangiles apocryphes, qui s'inspirent presque toujours du seul texte biblique, l'Apocalypse de Jean, qui ait décrit la nouvelle Jérusalem, est évoqué comme « une ville d'or pur semblable à du verre transparent, ceinte d'une muraille construite en jaspe, ornée de pierres précieuses et percée de douze portes qui sont douze perles gigantesques éternellement illuminées par la gloire de Dieu ». Cette cité céleste est traversée par « le fleuve de vie, transparent comme du cristal ». La métaphore ne saurait cacher le sens réel de la félicité promise : les élus jouiront essentiellement de la contemplation immédiate de Dieu, dans un état d'extase absolue. Les mystiques attendent cette révélation comme celle de l'amour le plus pur. La mort est pour eux la sublime noce avec l'époux mystique. La pensée libérale protestante, quant à elle, envisage plutôt la conception du ciel dans le sens d'un « service de Dieu au bénéfice d'un progrès moral universel ».
Le jardin paradisiaque
Le jardin paradisiaque exprime la nostalgie de l'innocence perdue, d'un monde libéré de la souillure du mal. La nostalgie du paradis perdu est universelle. Elle exprime, selon Mircea Eliade, le désir de se trouver toujours et sans effort au coeur du monde, de la réalité, de la sacralité et, plus précisément, le désir de dépasser la condition humaine pour retrouver la condition divine, qui dans le récit biblique était celle d'Adam avant la chute. Le paradis est le paradêsha sanscrit, la région suprême, le pardes suméro-babylonien, qui signifie jardin. Avec sa source centrale et ses quatre fleuves coulant dans les quatre directions, il représente l'origine, l'être en son principe, en amont du temps historique. C'est aussi le séjour de l'au-delà réservé aux élus. Le jardin paradisiaque offre l'image d'une nature généreuse à la végétation éternellement fleurie, peuplée d'animaux paisibles, dont le Coran livre les descriptions les plus détaillées.
L'arbre de vie
Au centre du paradis se dresse toujours l'arbre de vie ; sa croissance vers le Ciel, sa perpétuelle régénération en font le symbole de la victoire sur la mort. Son fruit offre une surabondance de vie. La Bible loue le juste sous les traits d'un bel arbre : « Le juste fleurira comme le palmier. » La floraison est une métaphore de la paix et de l'harmonie trouvées au coeur de notre être. Dans le christianisme, l'arbre de vie devient la croix rédemptrice : l'homme sauvé par le Christ est restauré dans son être originel, dans sa pureté et son innocence première. Les deux malfaiteurs crucifiés de chaque côté du Christ symbolisent l'alternative qui s'offre à notre conscience : tandis que le premier insulte le Messie auquel il ne croit pas, le second reconnaît mériter le châtiment pour sa faute et convient de l'innocence du Christ. A son repentir, le bon larron ajoute la confiance : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume » et, à l'instant même, il reçoit le pardon du Christ : « En vérité je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi au paradis. »
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